dimanche 14 mars 2010

Ferrat...

.

Je ne vais pas vous parler du ferry qui faisait portes ouvertes aujourd'hui, car je préfère vous parler de Ferrat...
J'aurais dû d'ailleurs ne pas attendre son décès pour parler de ce chanteur qui a bercé mon enfance, parce qu'à la maison il y avait des 45 tours quatre titres d'Aznavour, d'Henri Salvador ou Brassens, mais aussi et surtout beaucoup de Jean Ferrat. Mais avec sa voix de velours et ses mélodies merveilleuses, il avait attiré, plus que les autres, mes oreilles de gosse. Je fredonnais très jeune "la montagne" que j'ai vite connue par coeur.
Ses chansons m'accompagnaient au fil des années. C'était toujours la même pile de 45 tours vinyl que j'écoutais, on n'avait pas iTunes à cette époque pour écouter 30 secondes de tel ou tel titre de tel ou tel artiste.
Le verbe télécharger n'existait même pas en ce temps là...

Le temps passant je comprenais de plus en plus certaines nuances de ses chansons, et lorsqu'on a appris à l'école, en cours d'Histoire, les horreurs de la shoah, j'ai fait la connexion avec sa chanson "nuit et brouillard" (qui était aussi le titre du film de Resnais), j'ai trouvé que c'était quand même bien plus gonflé et bien plus salutaire que les ritournelles de Sheila ou Hervé Vilard, pour le devoir de mémoire à transmettre de génération en génération , sous quelque forme que ce soit, et comme il le dit dans la chanson "je twisterai les mots s'il fallait les twister pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez".
Ma culture politique s'étoffant avec l'âge, je commençais aussi à comprendre ses chansons engagées comme "ma môme", complainte sociale d'un bonheur simple, d'un couple modeste, qui évoque des images de film de Ken Loach, ou "Potemkine" et tant d'autres...
Hier matin, en apprenant la nouvelle de sa disparition, je me suis mis à chantonner "que serais-je sans toi ?", et je me suis plongé dans l'univers sublime et frissonnant de ses chansons d'amour, sur des textes d'Aragon ou pas...
Et, à l'heure du langage sms et de la sinistre nouvelle chanson française (à quelques exceptions près, mais ne polémiquons pas...), se pencher sur l'oeuvre romantique de Ferrat, c'est rentrer dans un véritable sanctuaire où les mots deviennent sacrés, et être saisi, cueilli, par l'émotion de ces rimes simples qui font tellement honneur à la langue de Molière.

Trève de bavardage, autant laisser les mots du poète, avec une chanson d'amour prise presque au hasard, et un clip...
Adieu Jean !

CHANSON POUR TOI

Quand l'aube se prend pour Matisse
Quand les papillons se déplissent
Comme la fleur du grenadier
Quand le premier soleil fragile
Frappe aux volets clos de la ville
Un à un pour les réveiller
Quand le premier cheval qui trotte
A de la fumée sous les bottes
De la terre sous les souliers

J'ouvre les yeux et je te vois
J'ouvre les yeux et je te crois
J'ouvre les yeux et c'est pour toi
Que je veux vivre, mon amour

Quand midi se prend pour Cézanne
Qu'il met du vent dans les platanes
Et du bleu dans les oliviers
Quand tous les troupeaux s'effarouchent
Que la chaleur les prend, les couche
A l'ombre maigre d'un figuier
Quand toutes les rues sont désertes
Que nulle n'offre une place verte
Un refuge, une ombre, un sentier

J'ouvre les yeux et je te vois
J'ouvre les yeux et je te crois
J'ouvre les yeux et c'est pour toi
Que je veux vivre, mon amour

Quand le soir bleuit ses falaises
Comme une estampe japonaise
Comme un Renoir, comme un Manet
Quand le soleil vibre, chavire
Dans l'océan et qu'il s'étire
Comme un éventail déplié
Lorsque tout se métamorphose
Et que seul le parfum des roses
Continue de s'exaspérer

J'ouvre les yeux et je te vois
J'ouvre les yeux, je tends les bras
J'ouvre les yeux et c'est pour toi
Que je veux vivre, mon amour
Mon amour...


.
.

Sphere: Related Content

6 commentaires:

christèle a dit…

C'est une bel hommage que tu lui rends là, sincère et émouvant.
Je connaissais peu le chanteur, mais tu me donne envie de le redécouvrir.

Pehu Oe a dit…

Le jour où je l'ai entendue elle m'a hurlé aux oreilles sa tendresse noyée dans son désespoir révolté contre l'injustice dominatrice. C'était il y a longtemps et je l'ai alors tout de suite faite mienne, ma môme :

Ma môme, elle joue pas les starlettes
Elle met pas des lunettes
De soleil.
Elle pose pas pour les magazines
Elle travaille en usine
À Créteil.

Dans une banlieue surpeuplée
On habite un meublé
Elle et moi.
La fenêtre d'un seul carreau
Qui donne sur l'entrepôt
Et les toits.

On va pas à Saint-Paul-de-Vence
On passe toutes nos vacances
À Saint-Ouen.
Comme famille on n'a qu'une marraine
Quelque part en Lorraine
Et c'est loin.

Mais ma môme, elle a vingt-cinq berges
Et je crois bien que la Sainte Vierge
Des églises
N'a pas plus d'amour dans les yeux
Et ne sourit pas mieux
Quoi qu'on dise.

L'été quand la ville s'en-sommeille
Chez nous y a du soleil
Qui s'attarde.
Je pose ma tête sur ses reins
Je prends tout doucement sa main
Et je la garde.

On se dit toutes les choses qui nous viennent
C'est beau comme du Verlaine
On dirait.
On regarde tomber le jour
Et puis on fait l'amour
En secret.

Ma môme, elle joue pas les starlettes
Elle met pas des lunettes
De soleil
Elle pose pas pour les magazines
Elle travaille en usine
À Créteil.


Paroles de Pierre Frachet,
musique de Jean Ferrat.

Ferrat est une de mes références-composantes culturelles musicales presque secrètes.
Je n'aime pas tout dans ce qu'il a fait et c'est pareil avec d'autres grands auteurs à textes francophones, connus ou méconnus comme Georges Brassens, Jean-Max Brua, Barbara, Jacques Brel, François Beranger, Michèle Bernard, Michel Fugain, Serge Gainsbourg, Brigitte Fontaine, Jules Vignaud, Gilbert Bécaud, Bourvil, Julos Beaucarne, Brigitte Bardot, Charles Aznavourian, Maurice Bénin, ...

Salut Jean, tu restes là, comme les autres.

Anonyme a dit…

petit bourgeois de la propagande communiste qui n'a jamais fait son autocritique car il en aurait perdu sa clientèle.
OQPHIé

Kip a dit…

Pehu Oe évoque BERANGER.
Un grand rebelle lui aussi...

DOUBLEYOU a dit…

en tout cas il ne le ferrat plus...
et puis GABILOU est toujours vivant !!
sic

Pehu Oe a dit…

Béranger, Brua, Beaucarne, Bernard, Fontaine, Bénin, Vigneault, ...

C'est vrai, OQPHié, c'est vrai mais ça ne permet pas de le ranger avec les vendeurs de soupe, les "chantres bêlants qui taquinent la muse érotique, les poètes galants qui lèchent le cul d'Aphrodite, les auteurs courtois qui vont en se frappant le coeur" comme les nommait Brassens et avec lesquels les radios nous abrutissent en priorité.