PARIS, le 25 novembre 2009. Standard and Poor’s place la note à long terme "BBB+" de la Polynésie Française sous surveillance avec implication négative.
Cette action fait suite au vote d’une motion de défiance contre le gouvernement Temaru le 24 novembre 2009 à la faveur d’une redistribution des alliances au sein de l’Assemblée de Polynésie Française.
Le nouveau président Tong-Sang doit former un nouveau gouvernement dans les 5 jours à venir, le douzième depuis 2004 qui marque le début de l’instabilité politique chronique de la Polynésie. Sur fond de divergence sur le budget 2010, cette motion de défiance met fin au gouvernement d’union formé en avril par les indépendantistes de l’UPLD et les autonomistes To Tatou Ai'a, qui disposait ainsi de la plus large majorité qu’ait connu l’Assemblée depuis 2004.
Cette mise sous surveillance reflète le risque que cette nouvelle motion :
· retarde ou grippe la reprise économique en induisant :
o une nouvelle déstabilisation des investisseurs et consommateurs, porteuse d’attentisme et de prudence
o un coup d’arrêt à la dynamique du modeste plan de relance
· complique et retarde les réformes amorcées dont :
o la refonte des liens financiers du Pays avec l’Etat français au travers de la réforme de la DGDE annoncée pour 2010,
o la réforme d’envergure prévue en 2010 de la Protection Sociale Généralisée dont la crise révèle les déséquilibres structurels à moyen terme,
o la réforme de la fiscalité en 2011
· induise un flottement dans les rouages politico-administratifs du Pays et de ses satellites, préjudiciable en matière de maitrise des dépenses et des risques,
· et, in fine, se traduise par une aggravation des déficits publics du Pays et de ses satellites sous l’effet d’une moindre dynamisme des recettes et/ou d’une plus forte évolution des dépenses.
Ce risque de dérapage parait d’autant plus probable que la faible majorité parlementaire dont dispose le nouveau gouvernement pose la question de sa pérennité et de sa capacité à mettre en œuvre des réformes structurelles. Ce possible dérapage est d’autant plus préoccupant que la Polynésie fait face à une crise économique et sociale d’une ampleur inattendue par Standard and Poor’s.
Après 10 ans de croissance au rythme annuel moyen de +2,3% entre 1996 et 2006, la contraction du PIB, estimée par Standard and Poor’s à -3/-4% en volume en 2008 et 2009, témoigne de la vulnérabilité des principaux secteurs productifs (tourisme, perliculture et pêche) qui souffrent d’un manque structurel de compétitivité et sont exposés aux chocs exogènes. La récession met également en lumière les limites du modèle économique polynésien basé sur les transferts financiers massifs de l’État et sur les dépenses publiques qui, ensemble, représentent environ deux tiers du PIB.
Pour la première fois depuis que la Polynésie est notée, la contraction de l’activité s’est traduite par des destructions significatives d’emploi (-6,9% en rythme annuel à fin Septembre 2009) et des déficits des régimes sociaux (estimés à 2,5% du PIB en 2010). Pour la première fois en 2009, le Pays pourrait également afficher une marge brute négative. Cette détérioration reflète la contraction des recettes fiscales (estimée à -10%) sous l’effet de la crise malgré l’effort significatif de maitrise des dépenses de fonctionnement et la part accrue de DGDE affectée au fonctionnement et d’importantes recettes exceptionnelles.
En dépit de la chute de l’épargne et de la hausse attendue des dépenses d’investissement dans la cadre du plan de relance initié par le précédent gouvernement, les besoins d’emprunt de la Polynésie devraient ne devraient pas dépasser 20% des recettes totales grâce aux excédents cumulés. La dette directe du Pays, en hausse, ne devrait pas dépasser 80 % des recettes de fonctionnement à fin 2009.
La note élevée de la Polynésie continue de refléter la manne financière de l’État français sur laquelle repose l’économie polynésienne, la forte autonomie fiscale du Pays, ses performances financières satisfaisantes et son endettement modéré d’un point de vue international. La note reste contrainte par l’instabilité politique chronique, l’économie structurellement dépendante et vulnérable de la Polynésie, la rigidité forte des dépenses du Pays ainsi que par la faiblesse de son administration, notamment dans la maitrise de ses risques hors bilan.
Liquidité
La gestion en trésorerie 0 du Pays vise à minimiser ses disponibilités qui, dans le cadre français, ne génèrent aucun produit financier, au moyen d’une gestion active de 14 emprunts revolving, dont le plafond cumulé représentait au 17 août 21,5 milliards de FCFP. Le niveau moyen de tirage représentait en moyenne 6,6 milliards entre sept 2007 et avril 2009 avec un pic en janvier 2009 de 11,8 milliards.
Les tirages disponibles confèrent au Pays une liquidité suffisante pour faire face à son service de la dette (d’environ 10,3 milliards d’euros sur l’année 2009 ; les pointes mensuelles ne dépassant pas 2,5 milliards).
Le Pays a d’ores et déjà mobilisé 9,4 milliards d’emprunt nouveaux au 17 août et devrait couvrir le solde de ses besoins de financement (de l’ordre de 20 milliards sur l’année 2009) auprès de ses partenaires bancaires (10 milliards font déjà l’objet d’un engagement). Le montant d’emprunts dépendra des réalisations d’investissements, attendues en hausse sous l’effet du plan de relance, et du paiement de tout ou partie de la DGDE due par l’état (8,2 milliards au titre de 2008 et 3,6 au titre de 2009).
Compte tenu de l’augmentation attendue du service de la dette et de l’amortissement progressif des lignes revolving existantes, SandP sera attentif au dimensionnement des sources de liquidité du Pays au cours des prochaines années. SandP considère toutefois que la Polynésie aurait un accès privilégié aux financements de l’Agence Française de Développement en cas de difficulté.
Résolution de la mise sous surveillance
Nous pensons être en mesure de résoudre la surveillance dans les trois mois à venir, au regard de la capacité du nouveau gouvernement et de l’administration :
- à mettre en œuvre rapidement une réponse à la crise économique et à ses impacts budgétaires au travers du budget 2010
- à définir et porter les réformes structurelles nécessaires à l’adaptation du modèle économique polynésien et au maintien à moyen-terme des équilibres des finances publiques
Nous serons plus particulièrement attentifs au :
- degré de renouvellement des équipes du Pays et de ses satellites.
- degré de continuité ou de rupture avec les actions et réformes entamées par les précédents exécutifs
- aux orientations fiscales, budgétaires et financières du budget 2010
- au calendrier des réformes.