Merci au lecteur qui m'a envoyé le lien vers cet article de Pierre Thivollet sur MEDIAPART.fr, intitulé "Après la défaite de l’UMP aux sénatoriales, que se passe-t-il en Polynésie ?" et que voici :
Les élections sénatoriales en Polynésie sont un revers pour l’actuel Président de ce pays d’Outre mer, Gaston Tong Sang, et pour l’UMP qui l’avait très largement soutenu. Son adversaire, Gaston Flosse, a été en effet confortablement réélu sénateur et le deuxième siège nouvellement créé a été gagné par son colistier, l’indépendantiste Richard Tuheiava. Il y a un an Gaston Flosse, à l’époque UMP mais aujourd’hui mis au banc de ce parti dont il avait été pourtant depuis l’origine la cheville ouvrière en Polynésie, avait signé un accord avec les indépendantistes, ses adversaires de toujours, formant une coalition baptisée UDSP. Ce qui lui avait permis d’obtenir la majorité à l’Assemblée de Polynésie et d’être réélu Président du pays en février dernier ; Une Présidence de courte durée, puisqu’après des semaines de tripatouillages ayant plus à voir avec l’achat de voix qu’avec la démocratie afin de faire basculer des élus des petites îles des Tuamotu, Gaston Tong Sang avait réussi à reprendre la majorité à l’Assemblée de Polynésie et à renverser Gaston Flosse après à peine deux mois de Présidence. Vu de Paris, cela signifiait le retour à la normale et l’éviction de Gaston Flosse accusé de n’être qu’un opportuniste qui aurait commis le crime, lui le père de l’autonomie polynésienne, de s’allier avec le diable, Oscar Temaru et son parti indépendantiste. C’était aussi la mise sur la touche d’un chiraquien fidèle… Mais voilà : La victoire de Gaston Flosse et de ses alliés rappelle que la politique polynésienne ne se décide pas dans les cabinets ministériels parisiens et que décidément, rien ne pourra se faire à Tahiti sans Gaston Flosse. A 77 ans, après plus d’un demi-siècle pendant lequel il a dominé la vie de ce territoire vaste comme l’Europe mais peuplé d’à peine 280 000 habitants, Gaston Flosse reste sans nul doute le seul leader politique d’envergure de la Polynésie, le seul à avoir une vision pour l’avenir de ce pays. Bien sûr, Gaston Flosse est un personnage contreversé, souvent caricaturé comme un roitelet du Pacifique, un affairiste rendant des services pour alimenter les caisses noires du RPR. La justice continue d’instruire sur ces affaires ainsi que sur la mort d’un journaliste qui enquêtait sur d’éventuelles « caisses noires »[1]. Mais Gaston Flosse est aussi, surtout ? le père de la Polynésie moderne. Il a très largement contribué à la mise en place de l’actuel statut de très large autonomie qui depuis 2004 fait de la Polynésie un Pays d’Outre mer. Un statut original, encore imparfait notamment en ce qui concerne le mode de scrutin qui rend difficile la constitution d’une majorité à l’Assemblée de Polynésie, mais qui donne de larges et réels pouvoir aux polynésiens. Sous son impulsion, les sommes importantes versées par Paris après la fin des essais nucléaires ont été largement investies dans un vaste réseau d’infrastructures, indispensable dans ce pays éclaté entre des centaines d’îles parfois distantes de plusieurs milliers de kilomètres, dans des équipements scolaires et sanitaires remarquables dans cette région et dans un système d’aide sociale tout à fait exceptionnel. Même ses adversaires les plus obstinés le reconnaissent: Gaston Flosse est un travailleur acharné, un entrepreneur, un bâtisseur. D’ailleurs, ses opposants, l’actuel président Gaston Tong Sang et son parti, sont tous ses enfants politiques et lui doivent leurs carrières politiques, voire leurs fortunes. Interpréter par le seul opportunisme, son alliance avec les indépendantistes qui aujourd’hui obtiennent 35 à 40 % des suffrages, notamment chez les jeunes, frustrés par le manque de perspectives d’emploi et d’avenir, est extrêmement partiel et empêche de comprendre l’intuition de Gaston Flosse : Il est aujourd’hui impossible de penser l’avenir de la Polynésie sans impliquer les indépendantistes. Il serait temps que le gouvernement français reprenne langue avec celui qui a été longtemps le plus fidèle allié de Paris dans le Pacifique. Il est puéril de vouloir faire croire que Gaston Flosse qui sur le plan personnel vit sereinement sa double identité de français, attaché aux valeurs de la République et de polynésien, attaché à son île natale des Gambier, est soudainement devenu un ennemi de la France. Il y a fort à parier que dans les semaines qui viennent la victoire de Gaston Flosse et de son alliance aux sénatoriales aura des conséquences à l’Assemblée de Polynésie conduisant peut-être à un nouveau changement de majorité et au renversement de l’actuel Président Gaston Tong Sang. Pour sortir la Polynésie de l’impasse non seulement politique mais surtout économique dans laquelle elle se trouve depuis plusieurs années, il faudra bien alors que Paris accepte, non pas d’adouber Gaston Flosse, mais tout simplement de l’écouter sans le rejeter a priori aux poubelles de l’histoire.
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*Pierre Thivolet est journaliste, d’abord à TF1, ARTE, Europe1, puis comme Directeur de la rédaction de la Chaîne Parlementaire LCP-AN. Il a été conseiller de la Présidence de Polynésie sous la Présidence Gaston Flosse de février à avril 2008 [1] En décembre 1997, un journaliste Jean-Pascal Couraud , dit « JPK » disparaissait dans des conditions non encore éclaircies. Suicide, mort accidentelle ? Ses proches affirment qu’il aurait été supprimé par des membres des anciens services de sécurité de la Présidence de Polynésie, sans que cela ne puisse être, pour l’instant, démontré.
Article très intéressant de la part d'un proche de Flosse, globalement assez juste mais d'une objectivité quand même assez partielle et pour le moins "bournienne". S'il est incontestable que Gaston Flosse est le plus important homme politique de l'Histoire de la Polynésie (avec Pouvana'a), et que beaucoup de politiques actuels sortent de l' "écurie Flosse", l'auteur de l'article élude quand même que Flosse est sans doute plus connu en métropole pour ses passages chez les juges d'instruction et la "fumée" qui l'entoure (avec ou sans feu) que pour son oeuvre visionnaire et humaniste pour le territoire, (même si un micro-trottoir nous montrait encore un tahitien flossien disant de lui que "pour nous, c'est un papa !") et, surtout, il omet à dessein l'épisode fondamental où Flosse a pris cette décision d'une alliance avec les indépendantistes. Tout le monde se souvient de ses déclarations verbales et écrites, certifiant qu'il ne ferait jamais alliance avec des indépendantistes.
Le plus bel exemple de mensonge politique public contemporain, on ne peut pas dire le contraire...
Il ne faut pas oublier l'époque (en début d'année, après le 1er tour des élections territoriales) où Nicole Bouteau suggérait de réunir To Tatou Ai'a (parti autonomiste de Gaston Tong Sang) et le Tahoera'a (parti autonomiste de Flosse). C'était la logique qui aurait voulu un rapprochement évident des deux entités, mais, pour de sombres raisons d'orgueil mal placé (et un refus de Tong Sang), la réconciliation autonomiste n'a pas eu lieu. Après ses promesses publiques de ne pas s'allier avec des indépendantistes, et devant le refus d'un partenariat autonomiste, que faire pour le Tahoera'a, laminé aux élections, et perdant ses lieutenants les uns après les autres ? A cet instant précis, on ne m'enlèvera jamais de l'idée que Flosse pensait à tout sauf à l'avenir de la Polynésie, à la réconciliation et à la Paix... L'éthique (mot qui ne rime pas avec politique en Polynésie), aurait voulu que l'on en reste là, mais Flosse a pris sa calculette, et a constaté que les sièges Tahoeraa additionnés aux sièges indépendantistes, ça faisait un total supérieur aux sièges de To Tatou Ai'a... Quelle aubaine ! Une drôle d'équation, qui impliquait une alliance avec Oscar Temaru, l'ennemi de trente ans. La mémoire populaire semble être comme du beurre et fondre au soleil. Nous avons quand même été bercés depuis toujours par les déclarations assassines de Temaru contre Flosse et son système, et inversement. Là aussi, il faudrait faire un travail d'archiviste à l'ICA, comme l'a fait Karl Zero pour Chirac, afin d'exhumer des heures de querelles, de déclarations de guerres, d'insultes, d'accusations mutuelles gravissimes en tous genres. Et tout cela serait donc balayé d'un revers au gré d'une alliance contre nature de circonstance, purement mathématique, pour un but unique et évident : reconquérir à tout prix le pouvoir ! L'argumentaire restait ensuite à inventer, on allait broder sur n'importe quoi : la paix sociale, la réconciliation... et s'improviser vite fait une foi toute neuve...
Internet et les blogs servent aussi à ça, je l'ai déjà dit : laisser une trace d'une version différente, d'une contre-vérité par rapport aux infos que les médias officialisent, et dans le cas des torrents de boue que charrie la politique en Polynésie, il faut que quelques oasis de vérité soient préservés.
Bientôt un film documentaire de montage "dans la peau de Gaston Flosse" par Lolo ?
Franchement, ça me démange...
3 commentaires:
Bravo, bravo et... bravo!!
J'avoue au début avoir été surpris voire effrayé de voir ce type d'article sur ton blog! Car il apparaît très vite que l'objectivité n'est pas de mise dans cet article!
En revanche, ton analyse personnelle révèle une vraie connaissance de la politique locale. Tu m'as retiré les mots de la bouche!!
C'est quand même assez impressionnant de voir comme certains journalistes sont assez aveuglés par l'aura de Flosse! On s'étonne après que les électeurs ont du mal à changer les choses...
Enfin, il ne faut pas perdre espoir!
Encore merci de nous faire connaître tous les points de vue.
J'en profite pour faire la pub pour mon blog (http://politikare.canalblog.com) qui est certes plus orienté que le tien mais bon... ;)
Bon courage à toi
>> PHILIPPE >> Et ben merci, ça fait plaisir de démarrer la journée avec des éloges, et merci d'avoir compris ma démarche. Je file voir ton blog !
Dieu que c'est complexe la politique chez vous.
Dans le même temps c'est un peu plus excitant que les élections au perchoir du sénat.
Mais quand on voit comment ils sont chouchoutés nos sénateurs, grassement payés, défrayés, tout ça pour un travail passant pour le moins inaperçu, on comprend que votre "vieux lion" n'ai pas craché sur une petite amélioration de sa retraite...
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